jeudi 3 août 2023

L'ognon du sénieur de Montagne

  Dans le passé, bien avant l'école obligatoire, la lecture du "gn" posait problème car cela se prononçait tantôt /gn/ comme dans "stag-na-tion", tantôt /ɲ/ ("ni") comme dans "compagnon".  Pour aider les lecteurs, on s'est alors mis à ajouter dans la graphie une lettre "i" juste avant le "gn" pour indiquer qu'il fallait prononcer /ɲ/ ("ni"). Au fil du temps, on a abandonné cette aide à la lecture et l'écriture du son /ɲ/ est revenue à "gn".

Ainsi, le nom de famille de l'auteur des Essais, Michel Eyquem de Montaigne, se prononçait à son époque comme le substantif "montagne" d'aujourd'hui.  La graphie est restée - les écrits restent - et... l'on prononce aujourd'hui le "ai" non plus "a" mais "è". L'adjectif moderne que l'on utilise pour qualifier un élément de l'oeuvre de Montaigne est d'ailleur "montagien/montagnienne" et s'écrit donc sans "i".

Autre exemple, le nom "poignet" se disait, se lisait à l'origine "pognet" ("po-ni-et").  On utilise encore en argot le mot "pogne" pour désigner le poing ou la main).

Voilà l'histoire du "oi" de "oignon" qui se prononce "o" et non /wa/.  Le "i" est resté dans l'écriture mais ici la prononciation n'a pas évolué pour devenir celle du "wa" de la graphie.  Sans doute est-ce dû à la grande fréquence du mot à l'oral.

La réforme de l'orthographe de 1990 recommande l'utilisation de "ognon"... mais a maintenu la graphie "ign" du substantif "seigneur"...  Pourquoi n'avoir pas recommandé "segneur" ?  Ou mieux "sénieur", qui rapprocherait le mot français du latinisme utilisé en français "senior" et de la famille de mots "sénat", "sénile"...




Du sexe des anges... anglo-américains

 

On dit qu’il n’y a pas de neutre en français… Seulement le masculin et le féminin. Soit.

Mais quand il s’agit de décider si un mot anglais que l’on veut utiliser en français est masculin ou féminin, on décide dans l’immense majorité des cas de le mettre au masculin.

Le masculin serait-il le genre de l’indétermination ? Je ne sais pas si un substantif est masculin ou féminin, donc… je le mets au masculin. Une sorte de... neutre en quelque sorte.

Statistiquement, les substantifs anglais utilisés en français – et ils sont très nombreux, 4% du vocabulaire du français - sont très très... très majoritairement masculins : un email, un podcast, un selfie, etc.

Maintenant, 60% du vocabulaire de l’anglais courant vient du français, enfin, le plus souvent de l’ancien français. Donc quand un mot anglais nous vient, très souvent, il nous revient, il nous revient du passé de notre propre langue. Et là, l’indétermination disparaît car le francophone connaît le genre de ses propres mots. “playlist” ? La base “list” vient du français “une liste”, donc on dira “une playlist”. “fan base” ? “base” vient du français “une base”, donc on dira “une fan base”

Le cas du mot anglais “interview” est intéressant. Venant de l’ancien français, utilisé en anglais pour désigner un certain type d’… entrevue, l’étymologie est la même, “interview” fait directement penser formellement à “une entrevue”. Conséquence, le mot “interview” est le plus souvent utilisé comme un substantif féminin, mais la logique de l’indétermination des mots de l’anglais peut encore jouer et les dictionnaires nous autorisent (merci...) à dire soit “un interview” soit “une interview”…




Mathématiques grammaticales françaises : A + 1 = A pluriel

“Le masculin l’emporte sur le féminin”. Je n’ai jamais entendu quand j'étais élève en Belgique cette formule qui choque tellement, en Fr...