lundi 11 septembre 2023

Mathématiques grammaticales françaises : A + 1 = A pluriel

“Le masculin l’emporte sur le féminin”. Je n’ai jamais entendu quand j'étais élève en Belgique cette formule qui choque tellement, en France, une certaine France. Il paraît d’ailleurs qu’elle n’est plus utilisée depuis des années pour "expliquer" une certaine règle d'accord. Si cette disparition m’indiffère, elle signifie quand même que, dans l’école de la République, on n’arrive pas à apprendre dans les classes aux petits garçons qui pouffent en regardant leurs petites (féminin) camarades qu’il y a une différence entre quelque chose qui s’appelle la grammaire et quelque chose qui s’appelle la biologie. Il serait aussi intéressant d’apprendre aux enfants qu’il existe des choses bien réelles qui s’appellent la connerie, le sexisme et la domination sociale et que ces choses existent et dans la grammaire et dans la biologie, dans les classes et dans les familles; et partout ailleurs... qu’il existe des forces sociales conservatrices qui désirent que rien ne change dans la société et dans le réel et qui feignent d’être progressistes en présentant la lutte des classes grammaticales comme l’alpha et l’omega du progrès et de la lutte sociale.

En matière de grammaire, si l’on veut casser le lien entre vocabulaire grammatical et vocabulaire "biologique", eh bien, c’est une bonne idée : cassons-le et passons à autre chose ! On pourrait remplacer la terminologie “genre grammatical masculin” par “genre grammatical A” et “genre grammatical féminin” par “genre grammatical B”. Mais il y aurait là encore ce fameux mot “genre” et aussi ce A qui est “la première (!) lettre de l’alphabet”, une lettre de "premier de la classe" donc, qui y "précède" la lettre B… et donc bien sûr la domine parce que, comme dans un 100 mètres, elle a couru plus vite que la lettre B et "vite", c'est "mieux", etc. Et puis le A, c’est l’”alpha” comme chez les loups où il y a le “mâle dominant alpha”… “forme 1” et “forme 2” ? Ah non, “forme un/première”, 2, “forme seconde” (mais “forme 2” “deux fois 1” ?...) “nom de type bleu” et “nom de type rose” ? Je plaisante ! “nom noir” et “non blanc” ? Pas mieux. Y a-t-il donc des couleurs ou des mots historiquement neutres dans la langue et la culture françaises ?!... On pourrait demander une IA de choisir un signifiant totalement vierge en terme de sexisme et de domination...

On pourrait aussi y réfléchir 10 minutes et trouver collectivement le meilleur terme mais j’ai là 10 secondes à consacrer à cette question et j’avancerais la formulation grammaticale suivante, abstraite comme un pont anational sur un billet en euro : les noms “cabane, femme, voiture” sont “1”, "de type 1" alors que les noms “cabanon, homme, monument” sont “A”, "de type A". “Les cabanes” est 1 pluriel alors que “les cabanons” est A pluriel. Autre formulation : “les adjectifs français ont 4 formes : A singulier, 1 singulier, A pluriel, 1 pluriel”. Donc, exemple, les adjectifs “expensive”, “modern”, "little" et “sold” de l’anglais ont en français les formes : “cher, chère, chers, chères”, “moderne, moderne, modernes, modernes”, "petit, petite, petits, petites" et “vendu, vendue, vendus, vendues”. Dans l’état actuel des règles de la grammaire française “Les cabanons et les cabanes sont chers/modernes/petits/vendus”. En mathématique grammaticale française, cela pourrait se traduire par la formule “nom A + nom 1 = adjectif A pluriel” pour ne plus dire “nom masculin +nom féminin = adjectif masculin pluriel” !

On peut maintenant parler sérieusement d'une véritable politique (avec obligation de résultats) pour lutter contre l'inégalité des rémunérations sur toute une vie des activités au sens large des femmes et des hommes ? D'une politique de revalorisation massive des métiers du soin/care, de l'éducation, du collectif ? D'une rémunération des activités sociales "bénévoles" où les femmes sont massivement actives ? Et plus largement d'une revalorisation massive des métiers manuels et non-diplômés des couches populaires ? Et... d'une dévalorisation massive des métiers de la destruction du collectif, de l'Humanité, de l'environnement, du futur des jeunes, etc. ?

Formule de l'accord de l'adjectif en français


dimanche 10 septembre 2023

Savon de Marseille linguistique

 Le soap opera est généralement très critiqué - notamment par les professeurs, les "intellectuels", les snobs - pour son côté mélodramatique, kitsch et (oh, le vilain mot) "populaire".

Moi, je dis "Vive la culture populaire !", "Vive la culture, toutes les cultures !" "Des goûts et des couleurs, on ne discute pas" Et... et... et... pour apprendre une langue étrangère, seul(e), gratuitement et dans le confort de son chez soi, le soap, c'est tout simplement ex-tra-or-di-naire.

Vive l'addiction linguistique et culturelle ! (C'est la moins toxique des addictions) La rencontre (pluri)hebdomadaire avec un professeur comme moi est passionnante, excitante, stimulante, linguistiquement, culturellement, intellectuellement, personnellement. Parler, s'exprimer, échanger sur ce qui vous touche et ce, dans une langue belle, étrange et étrangère, c'est une expérience, une aventure que je souhaite à tout le monde ! Mais... mais... mais... encore faut-il en avoir les moyens de se donner ce moyen ! Si on a cette chance, il ne faut surtout pas hésiter ! C'est de l'argent bien dépensé, un extraordinaire cadeau que l'on se fait à soi-même, un cadeau qui restera et vous accompagnera toute votre vie.

Si on a moins de moyens - nous vivons une époque fantastique - il y a plein de ressources gratuites (voir ma page : "Resources to learn French : Resources to learn French | frenchminute) comme... le soap opera.

Si vous accrochez à ces feuilletons d'un genre particulier (et leur but est de vous accrocher), à leurs personnages, à leurs univers et que cette familiarité vous pousse à les regarder chaque jour, semaine après semaine, c'est-à-dire... si cela vous permet de vous exposer sans vous lasser à une répétition extrême de structures, de vocabulaires, d'expressions, et bien, après quelques dizaines, quelques centaines d'épisodes, vous parlerez ! Vous parlerez la langue que les Français parlent dans leur vie quotidienne.

En France, le soap mythique s'appelle "Plus belle la vie" : Plus belle la vie — Wikipédia (wikipedia.org)

4666 épisodes au compteur (et la production vient de reprendre...)

Mais vous n'aurez pas à regarder tous les 4666 épisodes pour apprendre à parler le français, cela arrivera bien plus vite. Et heureusement, les premières saisons sont les plus intéressantes.

(Jean-Robert Lebrun, frenchminute.com)

Saison 1 (237 épisodes de 23 minutes) : Plus belle la vie - Saison 1 - YouTube




jeudi 3 août 2023

L'ognon du sénieur de Montagne

  Dans le passé, bien avant l'école obligatoire, la lecture du "gn" posait problème car cela se prononçait tantôt /gn/ comme dans "stag-na-tion", tantôt /ɲ/ ("ni") comme dans "compagnon".  Pour aider les lecteurs, on s'est alors mis à ajouter dans la graphie une lettre "i" juste avant le "gn" pour indiquer qu'il fallait prononcer /ɲ/ ("ni"). Au fil du temps, on a abandonné cette aide à la lecture et l'écriture du son /ɲ/ est revenue à "gn".

Ainsi, le nom de famille de l'auteur des Essais, Michel Eyquem de Montaigne, se prononçait à son époque comme le substantif "montagne" d'aujourd'hui.  La graphie est restée - les écrits restent - et... l'on prononce aujourd'hui le "ai" non plus "a" mais "è". L'adjectif moderne que l'on utilise pour qualifier un élément de l'oeuvre de Montaigne est d'ailleur "montagien/montagnienne" et s'écrit donc sans "i".

Autre exemple, le nom "poignet" se disait, se lisait à l'origine "pognet" ("po-ni-et").  On utilise encore en argot le mot "pogne" pour désigner le poing ou la main).

Voilà l'histoire du "oi" de "oignon" qui se prononce "o" et non /wa/.  Le "i" est resté dans l'écriture mais ici la prononciation n'a pas évolué pour devenir celle du "wa" de la graphie.  Sans doute est-ce dû à la grande fréquence du mot à l'oral.

La réforme de l'orthographe de 1990 recommande l'utilisation de "ognon"... mais a maintenu la graphie "ign" du substantif "seigneur"...  Pourquoi n'avoir pas recommandé "segneur" ?  Ou mieux "sénieur", qui rapprocherait le mot français du latinisme utilisé en français "senior" et de la famille de mots "sénat", "sénile"...




Du sexe des anges... anglo-américains

 

On dit qu’il n’y a pas de neutre en français… Seulement le masculin et le féminin. Soit.

Mais quand il s’agit de décider si un mot anglais que l’on veut utiliser en français est masculin ou féminin, on décide dans l’immense majorité des cas de le mettre au masculin.

Le masculin serait-il le genre de l’indétermination ? Je ne sais pas si un substantif est masculin ou féminin, donc… je le mets au masculin. Une sorte de... neutre en quelque sorte.

Statistiquement, les substantifs anglais utilisés en français – et ils sont très nombreux, 4% du vocabulaire du français - sont très très... très majoritairement masculins : un email, un podcast, un selfie, etc.

Maintenant, 60% du vocabulaire de l’anglais courant vient du français, enfin, le plus souvent de l’ancien français. Donc quand un mot anglais nous vient, très souvent, il nous revient, il nous revient du passé de notre propre langue. Et là, l’indétermination disparaît car le francophone connaît le genre de ses propres mots. “playlist” ? La base “list” vient du français “une liste”, donc on dira “une playlist”. “fan base” ? “base” vient du français “une base”, donc on dira “une fan base”

Le cas du mot anglais “interview” est intéressant. Venant de l’ancien français, utilisé en anglais pour désigner un certain type d’… entrevue, l’étymologie est la même, “interview” fait directement penser formellement à “une entrevue”. Conséquence, le mot “interview” est le plus souvent utilisé comme un substantif féminin, mais la logique de l’indétermination des mots de l’anglais peut encore jouer et les dictionnaires nous autorisent (merci...) à dire soit “un interview” soit “une interview”…




Mathématiques grammaticales françaises : A + 1 = A pluriel

“Le masculin l’emporte sur le féminin”. Je n’ai jamais entendu quand j'étais élève en Belgique cette formule qui choque tellement, en Fr...